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RCE – la renaissance du multitalent

Un instrument du 2e pilier sur lequel j’ai peu lu ces dernières années a connu une renaissance récente sous différentes formes: la réserve de cotisations d’employeur ou RCE.

24.01.2024
Temps de lecture: 4 min

Dans le glossaire OFAS-Online, on peut lire: «Les employeurs peuvent constituer une réserve de cotisations pour leurs engagements futurs au sein de leur institution de prévoyance. Les versements effectués à ce titre bénéficient d’un régime fiscal favorable. Les réserves de cotisations d’employeur ne peuvent pas dépasser de trois à cinq fois le montant de la cotisation annuelle de l’employeur prévue par le règlement de l’institution de prévoyance».

L’idée du législateur est donc d’offrir aux employeurs la possibilité de constituer des réserves pendant les années fastes pour pouvoir ensuite puiser dans ces réserves les années moins favorables. Cela permet de lisser la charge fiscale au fil des ans. La procédure est réglementée par l’art. 331 al. 3 du CO et la déductibilité fiscale par l’art. 81 de la LPP. Cependant, les RCE peuvent faire bien plus qu’«héberger» des cotisations hors période.

Les RCE peuvent
faire bien plus
qu’‹héberger› des
cotisations hors période.

Pendant la pandémie de coronavirus, tous les employeurs ont par exemple pu recourir aux RCE pour payer également les cotisations des salariés en vue de surmonter les pénuries de liquidités. Cette possibilité était limitée jusqu’à fin 2021, c’est pourquoi je ne m’y attarderai pas.

Le législateur a également prévu une autre fin pour les RCE: elles doivent être utilisées pour l’assainissement d’une institution de prévoyance. Les détails sont fixés dans l’art. 65e LPP ainsi que dans l’art. 44a et b OPP 2. Mais comment cela fonctionne-t-il exactement?

La loi stipule qu’en cas de découvert, les RCE doivent faire l’objet d’une déclaration de renonciation d’utilisation (en abrégé RCEaR) et être gérées dans un compte séparé. En outre, les RCEaR ne peuvent ni dépasser le montant du découvert, ni porter intérêt, ni être «touchées» de quelque manière que ce soit tant que le découvert existe. L’ordonnance stipule par ailleurs que les RCEaR ne peuvent être libérées pour le paiement des cotisations que lorsque le découvert a été entièrement résorbé. Ce qui signifie qu’une résiliation partielle anticipée de la renonciation à l’utilisation n’est pas autorisée. En outre, l’art. 65e al. 4, stipule que des dispositions supplémentaires peuvent être prises par contrat entre l’employeur et l’institution de prévoyance.

J’explique à quoi peut ressembler une telle solution en prenant l’exemple de l’accord entre la ville de Winterthur et la Caisse de pension de la ville de Winterthur (CPVW).

Il est prévu que l’employeur verse un montant de 120 millions de francs sur un compte RCE. En raison du découvert actuel de la CPVW, ce compte ferait l’objet d’une renonciation d’utilisation (RCEaR) au moment du versement et augmenterait immédiatement le degré de couverture.

Si le degré de couverture à la fin de l’année était inférieur à 100, mais supérieur à 95%, 10 millions seraient ajoutés à la fortune de la CPVW. S’il était inférieur à 95 %, ce seraient même 20 millions. Le montant résiduel resterait sur le compte RCEaR.

Une fois le découvert entièrement résorbé, le compte RCEaR serait transformé en un compte RCE ordinaire – donc sans renonciation d’utilisation – conformément à l’art. 44a al. 1 OPP 2. Parallèlement, une disposition supplémentaire entrerait en vigueur, selon laquelle l’employeur s’engagerait à continuer de ne pas utiliser ce compte pour le paiement des cotisations de l’employeur, malgré la suppression de la renonciation stricte à l’utilisation. Si le degré de couverture dépassait 105 %, 10 millions de francs seraient libérés pour le règlement des cotisations de l’employeur. S’il passait au-dessus de 110 %, ce seraient même 20 millions. Si le degré de couverture redescendait en dessous de 100 % pendant la période de l’accord, les RCE seraient à nouveau soumises à une renonciation stricte d’utilisation, conformément à l’art. 65e LPP. Ce mécanisme d’allers-retours peut se répéter à plusieurs reprises au fil des années.

Ce qui semble compliqué à première vue est une procédure ajustée aux risques pour stabiliser financièrement une caisse de pensions sur plusieurs années en utilisant l’instrument RCE. La procédure décrite garantit d’une part que les salariés reçoivent la totalité des 120 millions de francs en cas d’évolution défavorable du degré de couverture, et d’autre part que l’employeur ne doit injecter dans la caisse de pensions que les fonds nécessaires en fonction de l’évolution à long terme.

Les électeurs de Winterthur décideront en 2024 si cet accord sur le transfert et l’utilisation de la RCE entrera effectivement en vigueur le 1er janvier 2025.