Dans le contexte de la gestion d’actifs, je m’en tiens au proverbe de l’homme politique et général grec Périclès: «L’important ce n’est pas de prédire l’avenir, mais d’être préparé à l’avenir». Dans cet esprit, je suis partisan de décisions d’investissement stratégiques, valables sur le long terme, plutôt que de positionnements tactiques dépendant des prévisions de marché.
La propagation des conflits armés et les bruits de bottes assourdissants de certains pays ont toutefois le potentiel d’affecter à long terme les placements de capitaux. Les sanctions économiques et les restrictions commerciales menacent de stopper, voire d’inverser la tendance à la mondialisation des dernières décennies. Les prix de presque tous les biens et services devraient ainsi augmenter, notamment ceux des matières premières. Certains produits pourraient disparaître temporairement, voire définitivement, du marché.
En réalité, le tableau économique n’est pas (encore) si mauvais, bien au contraire. Abstraction faite des épisodes de la bulle dotcom de 2001, de la crise financière de 2008/2009 et de la pandémie du coronavirus de 2020, les exportations mondiales ont toujours augmenté. Il n’y a donc pas encore trace de la démondialisation annoncée. Fin mars, les actions des pays industrialisés étaient cotées à leur plus haut niveau historique.
Au cours des trois dernières années, les actions des pays émergents n’ont pas connu une évolution aussi réjouissante que celles des pays industrialisés, il faut bien l’avouer. Elles sont notées environ 20% en dessous de leur plus haut niveau atteint début 2021. Il est toutefois intéressant de constater que l’éclatement de la bulle immobilière en Chine, qui n’avait pas de cause géopolitique, a davantage contribué à la performance négative que les actions d’entreprises russes entièrement dépréciées en raison des sanctions.
Ceux qui, pour des raisons géopolitiques, déconseillent totalement d’investir dans des titres chinois, méconnaissent l’effet de l’interconnexion mondiale. Si la «folie taïwanaise» devait effectivement se produire, les caisses de pensions suisses perdraient sans aucun doute plus d’argent avec leurs participations dans Apple, Tesla, les constructeurs automobiles allemands, les entreprises pharmaceutiques et ainsi de suite qu’avec leurs actions négociées à Shanghai et Hong Kong.
De même, un coup d’œil sur la bourse israélienne ne révèle rien des horribles tragédies humaines qui s’y déroulent.
Se pourrait-il que les nouvelles pessimistes quotidiennes brouillent notre vision de l’économie mondiale? Ou bien les marchĂ©s ne sont-ils plus efficaces et Âmarginalisent donc les dangers gĂ©opolitiques?
Si nous prenons l’évolution du prix de l’or comme indicateur de l’état d’esprit géopolitique, le tableau est quelque peu différent. Il a récemment atteint un sommet historique. Cela s’explique notamment par le fait que la banque centrale chinoise a acheté le métal précieux par tonnes, probablement afin d’être moins dépendante du dollar américain et d’atténuer ainsi l’effet d’éventuelles sanctions. Peut-être que les Chinois ne se préoccupent pas (seulement) de Taïwan, mais aussi tout simplement de ne pas laisser tous les atouts aux mains de Trump(eurs) américains.
Que faut-il donc prendre en considération lors de l’investissement de la fortune d’une caisse de pensions dans ce contexte? Il ne suffit manifestement pas de prédire correctement la prochaine catastrophe géopolitique. Il s’agit plutôt de prévoir correctement ses effets sur les cours mondiaux des actions, les prix des matières premières et les titres de créance. C’est tout simplement impossible. Par conséquent, le mieux est de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et de bien diversifier ses investissements, comme cela a toujours été le cas. Il ne faudrait pas que des événements isolés puissent déclencher immédiatement un incendie généralisé dans les actifs immobilisés.
Je me vois conforté dans l’idée de ne pas devoir consommer toutes les nouvelles pessimistes. Il reste à espérer que l’«ironie» du sort ne nous rattrape pas un jour.
La géopolitique, c’est Trump(eur), le Russe dans le pays, c’est la réalité