La révision de la LPP, qui a échoué dans les urnes l’automne dernier, aurait dû permettre d’éliminer les inconvénients pour les personnes ayant plusieurs emplois. Mais il n’a pas été possible de trouver une solution convaincante. Force est donc d’admettre que le rejet de la révision n’apporte ni avantages ni inconvénients, du moins pour les personnes à employeurs multiples.
Postulat Rechsteiner
Déjà lors de la session d’hiver 2023, donc avant la votation sur la LPP mentionnée, le Conseil national avait déposé le postulat 23.4168 du conseiller national du centre Thomas Rechsteiner: «Améliorer la situation vis-à -vis du deuxième pilier des personnes cumulant plusieurs emplois».
Le Conseil fédéral soutient cette demande et doit maintenant montrer dans un rapport comment le régime d’assurance obligatoire du 2e pilier peut être étendu aux personnes qui travaillent pour plusieurs employeurs, mais qui ne dépassent le seuil d’entrée pour aucun emploi.
Comme c’est excitant. Comme c’est révolutionnaire. Rappelons une simple requête qui avait été soumise au Conseil fédéral en ces termes:
1. Quelle est la fréquence des emplois multiples en Suisse?
2. Quelles sont les conséquences de ce modèle de travail pour les personnes concernées?
3. Ce modèle de travail ne risque-t-il pas d’entraîner des discriminations à l’égard des femmes?
4. Quelles mesures le Conseil fédéral compte-t-il prendre pour garantir que les emplois multiples à temps partiel ne soient pas en contradiction avec les principes de la législation sociale?
Question quiz: qui avait soumis cette ÂrequĂŞte simple au Conseil fĂ©dĂ©ral? Il s’agissait du conseiller national socialiste jurassien Jean-Claude Rennwald. Et il avait dĂ©posĂ© sa requĂŞte le 5 juin 2001, il y a donc 24 ans de cela.
Pas plus intelligents qu’il y a 24 ans
La réponse donnée à l’époque par le Conseil fédéral, le 22 août 2001, n’a rien perdu de son actualité: «La législation actuelle permet certes aux salariés qui travaillent pour plusieurs employeurs et qui atteignent au total – en additionnant les différents salaires – la déduction de coordination, d’exiger des différents employeurs qu’ils cotisent pour le deuxième pilier, que ce soit auprès d’une caisse de pensions d’un employeur ou auprès d’une institution supplétive.»
Notez que le Conseil fédéral écrit déduction de coordination et non seuil d’entrée. La raison en est qu’à l’époque, les deux seuils étaient identiques – à savoir 24720 francs.
Le Conseil fĂ©dĂ©ral reconnaissait dĂ©jĂ Ă l’époque que le système Ă©tait insatisÂfaisant pour plusieurs raisons. D’une part, il oblige les assurĂ©s Ă s’occuper eux-mĂŞmes de leur prĂ©voyance professionnelle. D’autre part, «certains employeurs sont peu enclins Ă faire assurer de telles personnes». Aujourd’hui, on pourrait quasiment reprendre cette rĂ©ponse mot pour mot.
Les pluri-employés: pas un groupe homogène
Il est également important de noter que les pluriactifs ne constituent pas un groupe homogène. Il y a une différence entre une personne qui est assurée par une caisse de pensions dans le cadre d’une activité principale et qui exerce en plus un emploi secondaire et une personne qui travaille pour plusieurs employeurs en même temps – par exemple en tant que freelance ou travailleur culturel.
En 2024, 384000 personnes avaient deux emplois ou plus, ce qui représente un peu plus de 8% de la population active. Parmi eux, 323000 avaient deux emplois et 62000 travaillaient pour trois employeurs ou plus.
Stephan Keller, président de la direction de la caisse de pension Winterthur, a décrit dans l’édition d’avril de la Prévoyance Professionnelle Suisse comment on pouvait permettre aux personnes ayant trois mandants ou plus de bénéficier d’une prévoyance adaptée à leurs besoins. Il a cité en exemple la Fondation de prévoyance film et audiovisuel.
Nous sommes donc impatients de voir quelles solutions seront proposées dans le rapport sur le postulat Rechsteiner, 24 ans après la demande de Rennwald. Cela devrait être le cas cet automne.
Données insuffisantes
Dans le même numéro d’avril de Prévoyance Professionnelle Suisse, Gabriela Medici de l’Union syndicale suisse a critiqué le manque de données. Elle pense notamment aux données sur l’espérance de vie. Selon elle, il n’existe pas de données publiquement disponibles pour l’espérance de vie des personnes assurées obligatoirement, bien que la prévoyance professionnelle soit obligatoire.
Les bases utilisées aujourd’hui, VZ et LPP 2020, proviennent de statistiques collectées par des privés. Elles ne sont accessibles qu’après paiement d’un droit de licence considérable. De plus, ces bases ne peuvent pas être vérifiées.
En mai 2021, Stephan Wyss de Prevanto avait déjà attiré l’attention sur le problème des bases techniques lacunaires dans Prévoyance Professionnelle Suisse. Il parlait alors du «pouvoir des bases techniques» dont dépendent les experts du 2e pilier.
La CSEP exige Ă©galement de Âmeilleures donnĂ©es
Les syndicats ne sont pas les seuls Ă ÂdĂ©plorer l’insuffisance des donnĂ©es, la Chambre suisse des experts en caisses de pensions (CSEP) partage cet avis. Selon son prĂ©sident AndrĂ© Tapernoux, il serait par exemple intĂ©ressant de savoir combien de plans sont des plans LPP purs ou proches de la LPP et combien de personnes sont couvertes par un tel plan. De mĂŞme, les donnĂ©es disponibles ne permettent guère de dĂ©duire quoi que ce soit sur les effets d’une baisse du taux de conversion LPP ou sur son financement.
«Pour obtenir de tels chiffres, il serait judicieux soit de modifier l’enquête, soit d’utiliser d’autres chiffres de manière appropriée», explique André Tapernoux, président de la CSEP. En janvier 2025, la CSEP a donc écrit à l’OFAS pour lui demander de collecter ces données à l’avenir. Mais l’OFAS n’est pas encore entré en matière.
Temps partiel: impact sur la rente?
La motion 23.3898 du conseiller national du centre Benjamin Roduit «Des données fiables sur les modes de travail, en particulier à temps partiel, pour mieux structurer le financement de nos retraites», plaide également pour des données fiables. La motion a été adoptée par une marge relativement faible de 102 voix contre 88 lors de la dernière session spéciale.
Roduit demande que l’Office fédéral de la statistique (OFS) et le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) collectent systématiquement des données afin de pouvoir mieux analyser les effets du travail à temps partiel sur les rentes.
Selon Roduit, ce n’est que lorsque des données solides seront disponibles qu’il sera possible de discuter concrètement et objectivement des propositions politiques – au lieu de les rejeter sous prétexte que la situation est trop complexe ou que les données manquent.
Selon la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider, la motion enfonce des portes ouvertes. L’impact des différents modes de travail sur l’AVS sera examiné dans le cadre de la prochaine réforme de l’AVS, prévue pour la période 2030–2040. Les premières propositions et analyses sont attendues pour fin 2026.
Toujours pas de solution satisfaisante pour les travailleurs à employeurs multiples