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Absurdités dans les ordres des bénéficiaires

Du Palais fédéral

Des incitations AVS aux plafonds salariaux LPP en passant par la réforme structurelle. Et : quand un enfant reçoit tout et que ses frères et sœurs sont laissés pour compte.

08.12.2025
Temps de lecture: 6 min

Fin novembre, le Conseil fédéral a défini les lignes directrices de la réforme AVS 2030. Au lieu de relever l’âge de référence, il prévoit d’encourager le ­prolongement de la vie active. Des ­mesures complémentaires sont également prévues dans les 2e et 3e piliers, comme le relèvement de l’âge minimum pour bénéficier des prestations de vieillesse.

Le débat sur deux motions examinées le premier jour de la session d’hiver en cours au Conseil national a donné un avant-goût des arguments qui pourraient être avancés contre les propositions du Conseil fédéral. 

La motion 25.3423 vise à augmenter le montant exonéré après l’âge ordinaire de la retraite de 16800 francs actuellement à 21800 francs par an. La motion 25.3424 veut rendre plus attrayante la poursuite volontaire de l’activité professionnelle après l’âge ordinaire de la retraite dans l’AVS.

Les deux motions ont été déposées le 4 avril 2025 par la Commission sociale du Conseil des États, adoptées par le Conseil des États lors de la session d’été et désormais également par le Conseil national lors de la session d’hiver.

L’attractivité de la poursuite de l’activité professionnelle doit être renforcée par deux éléments: des suppléments plus élevés en cas d’ajournement de la retraite et le maintien ou l’augmentation du taux de réduction actuel de 6.8% par an en cas de retraite anticipée. 

Un taux de réduction plus élevé équivaut à des conditions moins favorables en cas de retraite anticipée. Cela est délicat sur le plan démocratique, car la réforme AVS 21 avait promis aux électeurs une baisse de ces taux. 

Marti: contre l’utilisation d’un prétexte
Le PS déplore que les taux de réduction ne soient plus fixés à l’avenir sur une base actuarielle, mais politique. «Le groupe socialiste s’oppose à l’introduction de telles augmentations de l’âge de la retraite par la petite porte», a déclaré Samira Marti, conseillère nationale socialiste de Bâle-Campagne. Sous le prétexte d’incitations à l’emploi, ce sont surtout les personnes qui travaillent déjà plus longtemps et disposent de revenus élevés qui seraient favorisées.

On est frappé par la formulation «sous le prétexte d’incitations à l’emploi». Les deux motions ont pour objectif de lutter contre la pénurie de main-d’œuvre. Permettez-moi cette remarque hérétique: dès 2011, l’ancien conseiller fédéral PLR Johann Schneider-Ammann avait lancé l’initiative sur la main-d’œuvre qualifiée. D’ici à ce que les motions et la réforme AVS2030 soient mises en œuvre, près de 20 ans se seront écoulés. Il ne reste plus qu’à espérer que l’IA ne nous oblige pas à créer d’ici là des incitations tout à fait différentes. 

BĂĽrgin: pour un plafond LPP
Comme indiqué dans l’édition d’octobre, la conseillère nationale du centre Yvonne Bürgin souhaite réduire le salaire LPP maximal assurable avec la motion 25.4253. Avant même que le Conseil fédéral ne se prononce à ce sujet, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) a abordé la question lors de sa séance du 20 octobre 2025 et a déposé le postulat 25.4398. Le Conseil fédéral doit présenter dans un rapport les conséquences d’une telle limitation. 

Un rapport ne devrait toutefois pas être nécessaire: le Conseil fédéral a entre-temps recommandé l’adoption de la motion Bürgin. Il estime qu’un plafond plus bas pour le salaire assurable renforcerait «l’équité du système des assurances sociales».

Dans sa prise de position du 19 novembre 2025, le Conseil fédéral renvoie en outre au paquet d’allègements fiscaux 27, qui prévoit une augmentation de l’impôt sur les retraits en capital des 2e et 3e piliers. Cela réduirait les avantages fiscaux des retraits en capital importants par rapport aux rentes. Il n’est toutefois pas certain que cette augmentation d’impôt recueille la majorité au Parlement.

Sauter: la flexibilité plutôt que la rigidité
Reste à voir ce qu’il faut entende par «équité du système». Les règles définissant l’ordre des bénéficiaires ancrent les injustices dans le système. Regine Sauter en voit un exemple dans la manière dont est réglée la succession pour les comptes de libre passage. L’ordre légal rigide conduit à des inégalités choquantes en cas de décès avant l’âge de la retraite. Un enfant unique en formation pourrait recevoir la totalité du capital de libre passage, tandis que ses frères et sœurs plus âgés se retrouveraient les mains vides, selon la politicienne du PLR. 

Avec la motion 25.4289, Mme Sauter demande donc une adaptation de l’ordonnance sur le libre passage (OLP) afin que les survivants bénéficiaires soient traités de la même manière que dans une caisse de pensions en cas de décès du titulaire du compte. 

Dans son avis du 19 novembre 2025, le Conseil fédéral confirme le problème: aujourd’hui, un enfant de 24 ans en formation reçoit la totalité du capital, tandis que sa sœur de 22 ans, qui travaille déjà, n’obtient rien. Le législateur part du principe que l’activité lucrative est synonyme d’indépendance économique.
Le Conseil fédéral souligne en outre que toute modification fixe de l’ordre crée inévitablement de nouvelles inégalités. Mme Sauter ne demande toutefois pas expressément une solution rigide, mais la même flexibilité que dans la LPP. 

Rechsteiner: les autres enfants
La motion 25.3368 de Thomas Rechsteiner va dans le même sens. La revue Prévoyance Professionnelle Suisse en a fait état dans son édition de juillet. Le conseiller national appenzellois du centre souhaite supprimer la distinction entre les enfants ayant droit à une rente obligatoire et les autres enfants dans le cadre de la prévoyance professionnelle surobligatoire. 

Son exemple montre l’absurdité des réglementations actuelles: le plus jeune enfant est âgé de 17 ans et 11 mois. Au décès du parent assuré, il perçoit une rente d’orphelin pendant un mois. L’enfant aîné est âgé de 20 ans et exerce une activité professionnelle. Il perçoit le capital décès bien plus élevé. 

En d’autres termes, l’enfant qui travaille est mieux loti que l’adolescent de 17 ans. Ce qui est tout sauf cohérent. 

Mettler: postulat oublié
Nous voulions également aborder dans ce contexte la réforme structurelle, plus précisément le postulat 21.3877 de l’ancienne conseillère nationale du PVL Melanie Mettler. Cette Bernoise, qui fait désormais partie de l’exécutif municipal de Berne, souhaitait que la réforme structurelle de la LPP, entrée en vigueur en 2011, soit évaluée par un expert indépendant. Elle a déposé son postulat il y a quatre ans et demi, plus précisément le 17 juin 2021. Bien que le Conseil fédéral ait recommandé son adoption à l’époque, le postulat lui donne beaucoup de fil à retordre aujourd’hui. 

Le 1er mars 2024, un rapport sur les motions et les postulats indiquait que les travaux de recherche étaient en cours et qu’ils allaient servir de base au rapport du Conseil fédéral prévu pour le second semestre 2024. 

Comme on le sait, cela n’a pas abouti: le 24 avril 2025, l’OFAS a déclaré à la Prévoyance Professionnelle Suisse que le rapport était «en cours d’élaboration» et qu’il serait «probablement publié vers la fin de l’année». Ce ne sera toujours pas le cas: aux dernières nouvelles, le rapport sur le postulat devrait «probablement» être adopté au printemps 2026.