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La garantie du niveau des rentes? Que nenni !

En tant que représentante des intérêts des assurés, j’ai assisté, incrédule, au processus législatif de la réforme de la LPP, à la confection d’un projet de réforme trop compliqué qui, au final, ne tient pas la route. L’objectif central de la réforme – maintenir le niveau global des prestations – a été à ce point manqué que j’aimerais mettre le doigt sur quelques dysfonctionnements particulièrement flagrants.

12.08.2024
Temps de lecture: 4 min

Comme chacun sait, la prévoyance professionnelle fonctionne comme un engrenage. Chaque adaptation de paramètre entraîne des répercussions sur l’objectif de prestation défini dans le modèle. Or, au cours du processus parlementaire, les débats politiques se sont enflammés autour de certains paramètres et on a perdu de vue le tableau dans son ensemble.

Le débat sur la déduction de coordination est révélateur, car les partisans de la baisse la présentent comme la solution au problème des rentes des femmes. Les coûts supplémentaires massifs sont minimisés, les réalités précaires des femmes à bas salaires sont méconnues. On oublie que plus de 90% des caisses ont adapté la déduction de coordination et que le Gender Pension Gap persiste même dans les caisses qui l’ont adaptée depuis des années. Les rentes du 2e pilier sont le reflet des biographies professionnelles passées, mais la participation au marché du travail, le niveau de salaire et le plan de prévoyance sont pertinents.

Il était également fâcheux que le Conseil national, en tant que premier conseil, ait impitoyablement détricoté le compromis des partenaires sociaux. Le chaos était parfait, et cela ouvrait un espace énorme pour x autres variantes. Le Conseil des États s’est lancé dans l’élimination des divergences avec une déduction de coordination de 15% du salaire AVS et un supplément de rente en fonction de l’avoir de prévoyance. Le Conseil national avec une déduction de coordination fixe, analogue au compromis des partenaires sociaux, une épargne à partir de 20 ans et des mesures de compensation selon le principe d’imputation. Pour les spécialistes, il est clair qu’il s’agit de propositions très différentes qui ne peuvent pas être réglées par un marchandage.

Le reste appartient à l’histoire: les Chambres se sont mises d’accord sans ­vision à long terme sur un projet qui présente un bilan extrêmement mauvais pour les assurés en termes de coûts supplémentaires pour les bas revenus et de baisses des prestations à partir des revenus moyens.

Une prétendue panne de service, mais qui relève plutôt de la catégorie «il fallait éviter que trop de personnes obtiennent un supplément de rente», est l’absence de réglementation d’exception pour les personnes de plus de 50 ans qui seraient nouvellement assurées à la LPP en raison de l’abaissement du seuil d’entrée. Leur droit à un supplément de rente leur est refusé sous prétexte qu’une assurance d’au moins 15 ans dans une caisse de pensions est requise. La gauche du Conseil avait encore tenté, sans succès, d’éliminer cette anomalie.

Les exigences très élevées pour l’obtention d’un supplément de rente constituent un problème fondamental. Lorsque, dans la campagne de votation on présente des chiffres selon lesquels de nombreux assurés obtiendraient un supplément de rente, on occulte les autres obstacles – on se focalise uniquement sur les limites de capital – et aussi le fait que de nombreuses questions de mise en œuvre restent ouvertes. On sous-estime le fait que la prise en compte des revenus EPL pendant 20 ans pourrait entraîner la déchéance de nombreux droits. Comme des points essentiels tels que la gestion des divorces, des rachats, des personnes affiliées à plusieurs caisses, des plans fractionnés ainsi que des retraites anticipées ou partielles devraient être réglés au niveau de l’ordonnance, il y a trop d’incertitudes dans la campagne de votation.

Le Conseil fédéral se propose certes de «traiter les assurés le plus équitablement possible et d’éviter les possibilités de manipulation dans l’ordonnance. Mais il ne doit pas pour autant négliger la praticabilité de la réglementation». (rapport 20, page 18). Avec les mesures de compensation adoptées, cela devient une tâche herculéenne.

Pour les caisses également, la mise en œuvre serait épuisante, un monstre de bureaucratie menace. Pour les assurés, l’affaire est surtout peu claire. Pour eux, il est impossible d’évaluer l’impact individuel, notamment en raison des mesures de compensation compliquées, et c’est un problème. Le 2e pilier est en soi une matière complexe, et voilà qu’un projet complexe vient s’y greffer.

Conclusion: le Parlement a adopté un projet inutilisable sur le plan technique et qui ne rend pas justice au 2e pilier. La réforme fait trop de perdants. Non seulement les assurés risquent de voir leurs ponctions salariales augmenter drastiquement, mais l’insécurité des rentes s’accroît également. Un non le 22 septembre est obligatoire.