En 2009, le groupe Silbermond a sorti son album «Nichts passiert» (que l’on peut traduire par «Rien ne se passe»). La chanson «Irgendwas bleibt» («Il reste quelque chose»), qui est devenue un classique de la pop allemande, fait aussi partie de cet album. Nous sommes maintenant en 2024 et depuis la sortie de l’album, il est loin de ne s’être «rien passé». Toutefois, le refrain est plus que jamais approprié:
«Donne-moi un petit peu de sécurité
Dans un monde où rien ne semble sûr
Donne-moi quelque chose qui reste
à cette époque où tout va vite.»
Quand Silbermond a écrit cette chanson, le groupe n’a certainement pas pensé à la prévoyance suisse. Toutefois, ce texte résume très bien les attentes envers les caisses de pensions. La sécurité est souhaitée comme valeur durable.
La sécurité est donc tout en haut dans le cahier des charges des conseils de fondation. Les réglementations doivent être sans équivoque et donc garantir la sécurité juridique. Les risques doivent être connus et ciblés pour pouvoir offrir une sécurité. Et les fonds de prévoyance des assurés doivent bien entendu être placés de façon «sûre».
Le spectacle médiatique annuel lors de la publication des résultats des placements et des rémunérations montre à quel point cette sécurité est difficile à atteindre dans ce domaine. En effet, les caisses de pensions publient régulièrement les résultats de leurs placements, appelés performances, ainsi que le taux d’intérêt appliqués aux fonds de prévoyance des assurés.
Si les caisses de pensions obtiennent de bons résultats de placement, les médias s’insurgent contre toute différence entre la performance et la rémunération. Car en définitive, les résultats des placements sont obtenus grâce aux fonds de prévoyance et ils doivent être répercutés sur les assurés!
Si les résultats des placements sont plutôt modestes ou même négatifs et si les assurés reçoivent une maigre rémunération, voire même seulement le taux minimal légal, on reproche aux caisses de pensions qu’elles auraient dû mieux se prémunir contre de tels événements et constituer des réserves plus importantes.
Quelle que soit la politique menée par une caisse de pension, elle est à coup sûr mauvaise, selon l’opinion publique. Vraiment? Vraiment.
Malgré cela, la politique de rémunération d’une caisse de pension ainsi que le montant de ses réserves sont fortement déterminés par sa capacité à prendre des risques. Les caisses de pensions avec une part élevée d’engagements, c.-à -d. avec un grand nombre de rentes en cours, agiront avec plus de prudence. Car en définitive, elles doivent offrir la garantie de pouvoir effectuer ces versements courants de manière fiable. De telles caisses de pensions prendront probablement moins de risques dans leur stratégie de placement, effectueront peut-être des rémunérations plus modérées et constitueront des réserves plus importantes. Pour être sûr.
Les caisses de pensions ayant peu d’engagement, donc une faible part de bénéficiaires de rentes, pourront en revanche prendre des risques plus élevés. En effet, pour la majorité de leurs assurés, le «jour de paie» se situe dans le futur et, en cas de mauvaise année, il est possible de procéder à des réajustements. De telles caisses de pensions opteront éventuellement pour une stratégie de placement un peu plus risquée, proposeront une rémunération plus généreuse et constitueront moins de réserves.
La détermination de la stratégie de placement, de la rémunération et des réserves incombe – dans un certain cadre juridique – au conseil de fondation. Une fois que toutes les données et tous les faits sont sur la table, tout dépendra du besoin de sécurité ou de la propension au risque du conseil de fondation.
D’après la recherche en psychologie, nous savons que ladite propension au risque ne varie pas tout à fait par hasard. Ainsi, les femmes ont moins envie de prendre des risques. Une constatation qui me fait toujours froncer les sourcils quand je pense au nombre de femmes qui comptent sur leur mari en matière de prévoyance vieillesse. Il n’y a quasiment rien de plus risqué.
Par ailleurs, comme le résument les scientifiques, la propension au risque baisse avec l’âge. Peut-être que l’expérience rend non seulement plus intelligent mais aussi plus prudent.
Un coup d’oeil sur les conseils de fondation de Suisse montre que la propension au risque liée au sexe y est plutôt élevée mais que celle liée à l’âge y est plutôt faible. Peu importe la composante qui l’emportera à la fin, la politique du conseil de fondation sera de toute façon perçue par le public comme étant avant tout certainement mauvaise.
Nous nous joignons donc à Silbermond pour que «rien ne se passe» et que «quelque chose reste».
Ou pourquoi les caisses de pensions s’y prennent mal.