Les bonifications pour tâches éducatives et d'assistance n’ont pas leur place dans la LPP | prevoyanceprofessionellesuisse.ch
Fermer
Du Palais fédéral

Les bonifications pour tâches éducatives et d'assistance n’ont pas leur place dans la LPP

Le 18 septembre 2024, la conseillère nationale verte Manuela Weichelt a demandé, avec la motion 24.3917, l'introduction de bonifications pour tâches éducatives et d’assistance dans le 2e pilier. Un jour plus tard, la conseillère aux Etats socialiste Mathilde Crevoisier Crelier lui a emboîté le pas avec la motion 24.3920. Elle souhaite revaloriser le travail de care par des bonifications complémentaires et d'assistance analogues à celles de l'AVS.

11.12.2024
Temps de lecture: 5 min

Les deux motions ont été déposées avant la votation sur la LPP du 22 septembre 2024, que la gauche a combattue avec succès, bien qu'elle aurait apporté des avantages indiscutables aux personnes travaillant à temps partiel et donc majoritairement aux femmes.

L’écart de rente des femmes

La Zougoise Manuela Weichelt veut « enfin combler » l’écart de rente des femmes. Elle rappelle que les femmes perçoivent des rentes inférieures d'un tiers à celles des hommes, ce qui s’explique principalement par les lacunes de couverture dans le 2e pilier de la prévoyance vieillesse. Elle ajoute que plus d'une femme sur dix doit demander des prestations complémentaires directement après avoir pris sa retraite : « Cette situation est intenable ».

Weichelt ne précise pas comment financer le comblement de l’écart de rente. Mais Mathilde Crevoisier Crelier a des idées à ce sujet. La Jurassienne propose que le financement soit assuré de manière centralisée par le fonds de garantie via une composante pérenne de répartition.

Les célibataires peuvent payer

Sylvia Locher est présidente de l'association « Pro Single Schweiz ». Ce thème fait monter son adrénaline. Selon elle, il n’y en a que pour les couples et les familles dans les assurances sociales, et les veuves, même sans enfants, restent toujours privilégiées. Quant aux célibataires, ils n’ont qu’à payer.

Les personnes seules sans enfant devraient cofinancer les prestations pour les veufs et les concubins survivants, bien que le 2e pilier repose sur un processus d'épargne individuel obligatoire. Cela vaut également pour les rentes d’enfants qui sont versées en plus de la rente de vieillesse. Et lorsque les célibataires décèdent, leur capital de prévoyance reste en grande partie dans la caisse de pensions.

« Cette injustice existe depuis l'introduction de la LPP en 1985 et n'a jamais été remise en question », dénonce la présidente de Pro Single. Selon elle, le Parlement n'a jamais fait l'effort de prendre en compte les préoccupations des personnes seules. L'introduction de bonifications pour tâches éducatives ne ferait donc qu’exacerber encore le traitement inégale des personnes seules et sans enfants dans ce pays.

Le Conseil fédéral ne croit pas non plus à la demande des deux motionnaires, mais pour d'autres raisons. Selon sa prise de position du 13 novembre 2024, une modification de la Constitution fédérale serait nécessaire pour mettre en œuvre les motions. En effet, en vertu de la Constitution fédérale, la prévoyance professionnelle est « une assurance pour les revenus des personnes exerçant une activité lucrative ». Elle est obligatoire pour les salariés et facultative pour les indépendants. « Les personnes sans revenus provenant d'une activité lucrative ne sont par conséquent pas assurées dans la prévoyance professionnelle ».

Ceux qui pensent que l'on peut introduire dans le 2e pilier des bonifications pour tâches éducatives à la manière de l'AVS n'ont pas compris le système.

Selon le Conseil fédéral, l'introduction de bonifications pour tâches éducatives et d'assistance introduirait un nouvel élément, jusqu'ici étranger, dans le 2e pilier. Elle entraînerait en outre d'importants problèmes de financement et de mise en œuvre.

Ceux qui pensent que l'on peut introduire dans le 2e pilier des bonifications pour tâches éducatives et d'assistance à la manière de l'AVS n'ont pas compris le système. Dans le 1er pilier, les bonifications en question sont un revenu fictif qui est crédité sur les comptes individuels. En raison du plafonnement des rentes, elles ne sont donc que partiellement constitutives de rentes. Dans la prévoyance professionnelle en revanche, les bonifications seraient entièrement constitutives de rente et devraient être versées à vie.

Et voilà que le Conseil fédéral découvre les célibataires. Il écrit : « Par exemple, les personnes avec des petits salaires et sans enfants devraient cofinancer les bonifications ou les suppléments de rente pour les personnes âgées aisées avec des enfants ». Ce ne serait qu'un nouveau subventionnement croisé problématique.

Une démarche étrange

La motion 24.3921 de Flavia Wasserfallen a plutôt des chances d'aboutir. La conseillère aux Etats bernoise (PS) veut améliorer l'assurance des personnes qui travaillent pour plusieurs employeurs et à temps partiel. Bien que déposée il y a seulement deux mois, la motion était déjà à l'ordre du jour de la première semaine de la session du Conseil des Etats. Il en va de même pour la motion 24.3920 de Mathilde Crevoisier Crelier mentionnée ci-dessus, qui vise à introduire des bonifications pour tâches éducatives et d'assistance, ainsi que pour la motion 24.4047 du conseiller aux Etats vaudois Pascal Broulis, qui souhaite abaisser le seuil d'entrée à moins de 20 000 francs. Le radical Broulis a déposé sa motion le 26 septembre 2024. Contrairement aux motionnaires précités, il a tout de même attendu le résultat de la votation sur la révision de la LPP.

Lorsqu'une motion est inscrite à l'ordre du jour, cela ne signifie pas qu'elle sera débattue. Souvent, le temps manque lorsque les points précédents à l'ordre du jour prennent plus de temps que prévu. C'est ainsi que les trois motions mentionnées sur la LPP ont été victimes du temps. Elles ne seront donc débattues qu'au cours de la session de printemps 2025. Il restait toutefois du temps le mercredi matin 4 décembre pour traiter la motion d'ordre de la Verte Maya Graf. La députée de Bâle-Campagne souhaite que les trois motions soient transmises à la commission compétente pour examen préalable. La motion a été rejetée avec seulement une voix de différence.

Lors de la discussion à ce sujet, la conseillère aux Etats du centre Brigitte Häberli-Koller a exprimé son étonnement face à la démarche des motionnaires. « Je suis surprise que Mme Wasserfallen ait supposé que l'on puisse mettre sur le tapis des interventions personnelles avec des éléments non contestables de son point de vue si peu de temps après la votation de septembre 2024 (...) ». Qui veut donc savoir ce qui est contesté et ce qui ne l'est pas ? « C'est notamment son camp, hélas, qui a fait dérailler le projet. Moins de six mois se sont écoulés depuis q8ue le verdict populaire a été rendu », critique la Thurgovienne. « Pour moi, ce sont encore les règles démocratiques qui s'appliquent dans ce pays ». Selon elle, les électeurs ont clairement fait savoir qu'ils ne voulaient pas de la révision de la LPP, « ce que je regrette vivement, mais que j'accepte pleinement. »