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Vraiment?!

Ou pourquoi l’artificiel n’est que naturel au sein des caisses de pensions.

Quand on m’a donné le thème de ce texte, j’ai pensé spontanément: «Pour les caisses de pensions, mieux vaut l’intelligence artificielle que pas d’intelligence du tout.» Je ne peux bien sûr pas écrire cela et encore moins le mentionner au début de mon texte. Mais heureusement, nous sommes entre nous.

02.10.2024
Temps de lecture: 4 min

Ce qui peut sembler résigné, voire dédaigneux, ne l’est en fait pas du tout. Ce sont les caisses de pensions elles-mêmes qui se plaignent à haute voix de la prétendue pénurie de personnel qualifié. Et qui, dans leur supposée détresse, demandent à certains d’aller dans la salle des machines alors qu’il aurait été préférable de continuer à éplucher des pommes de terre dans la cambuse.

«Prétendument» d’ailleurs parce que les caisses de pensions se croient tellement sous la pression des coûts qu’elles croient souvent devoir renoncer à l’investissement le plus important, à savoir celui concernant leur personnel qualifié de demain. Former des apprentis? Pas de capacités! Former les personnes en reconversion professionnelle? Pas de capacités! Réfléchir au profil des postes de travail? Pas de capacités! Dites-moi: la pénurie de main-d’œuvre qualifiée est-elle l’œuf ou la poule?

Dites-moi: la pénurie de main-d’œuvre qualifiée est-elle l’œuf ou la poule?

Au bout du compte, on embauche forcément des personnes qui ont, à un moment ou à un autre, fait quelque chose avec une caisse de pension (par exemple éplucher des pommes de terre...), qui, à coup sûr, ne peuvent pas tomber enceintes (suppléance? Pas de capacités!), qui, si possible, ont moins de 35 ans (épargne! Pression des coûts!) et qui n’ont en aucun cas pas plus de matière grise et/ou d’ambition que les supérieurs hiérarchiques (comment pourraient-ils se présenter sinon? Ils perdraient la face!). Et voilà: le manque de main-d’œuvre à la sauce caisse de pension.

Pourtant – et ça reste entre nous –, la pénurie ne serait en fait pas plus nécessaire que le personnel lui-même. Vraiment? Vraiment.

Pourtant – et ça reste entre nous –, la pénurie ne serait en fait pas plus nécessaire que le personnel lui-même. Vraiment? Vraiment.

En effet, objectivement, les caisses de pensions ne sont en fin de compte composées que d’immenses quantités de données d’une part, et de règles et d’algorithmes rigides d’autre part. Les quantités de données proviennent des employeurs et des assurés. Il s’agit par exemple des données sociodémographiques des employés, de leurs salaires et fortune de prévoyance, de l’état et de l’évolution dans le temps, de l’historique des paiements des employeurs, des données clés des plans de prévoyance (co)financés par les employeurs, etc.

Les algorithmes rigides sont générés par la réglementation adoptée par les caisses de pensions pour, par exemple, fixer leurs prestations, mesurer les cotisations ou effectuer des investissements. Loi, ordonnance et règlements fournissent des modèles qui peuvent tout à fait être lus comme des formules «si - alors». Par exemple, si 35 ans et plus, alors épargne de 10 pour cent. Il faut l’avouer, ce sont beaucoup de formules «si - alors», également des formules «si - alors» très imbriquées à cause de moi. Mais au final, ce ne sont que... des formules «si -alors».

Mais les programmes informatiques (sauf peut-être la championne du monde d’échecs Ju Wenjun et la lauréate du prix Nobel Claudia Goldin) sont plus rapides et plus fiables que l’homme pour traiter les nombreuses formules «si - alors» très imbriquées.

Donc, lorsque des quantités de données se heurtent à des algorithmes dans les caisses de pensions, il serait donc naturel que ces caisses de pensions soient gérées par Wenjun, Goldin ou justement par des programmes informatiques. Mais comme mentionné auparavant, Wenjun pourrait éventuellement tomber enceinte et Goldin n’est pas loin de la retraite. Et la problématique de perdre la face des supérieurs hiérarchiques se pose également. Il ne reste donc plus que les programmes informatiques, appelés aussi intelligence artificielle.

Il faut l’avouer, ce sont beaucoup de formules «si - alors», également des formules «si - alors» très imbriquées à cause de moi. Mais au final, ce ne sont que... des formules «si -alors».

En termes d’intelligence biologique complémentaire, soit le personnel, il faudrait alors

– des passionnés d’informatique n’ayant pas le réflexe de prendre la fuite devant les mathématiques mises en mots (car les lois, ordonnances et règlements ne sont rien d’autres que cela);

– des génies de la communication qui savent y faire avec les assurés de tous niveaux de connaissance et d’esprit;

– mais pas d’éplucheurs de pommes de terre.

C’est tout concernant la liste de courses pour les collaborateurs HR des caisses de pensions.

Ce qui me fait utiliser le conditionnel dans tout cela, c’est la pression des coûts supposée et évoquée. Le fameux serpent qui se mord la queue. Certes, les lois et les ordonnances s’appliquent uniformément à toutes les caisses de pensions, mais chaque caisse de pension se perd dans leur interprétation d’une part et dans ses propres règlements d’autre part. Quant à savoir si un «malheureusement» manque dans la phrase, c’est une question politique que je ne souhaite pas aborder. On appelle ça la concurrence. Quoi qu’il en soit, il en résulte pour chaque caisse de pension un règlement et des algorithmes qui lui sont propres. Ainsi, chaque caisse de pension aurait besoin de son propre logiciel informatique – capacités! Pression des coûts! Queue de serpent!

Pour résumer, l’intelligence artificielle au sein des caisses de pensions serait certes naturelle, mais elle constitue une pression sur les coûts. Capacités! Queue de serpent! Le conditionnel reste!