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Du Palais fédéral

Pourquoi le taux de conversion n’est pas dépolitisé

Le journalisme tendancieux travaille avec des hyperboles. Les hommes et les femmes politiques ont également adopté cette technique pour caractériser leurs actions, sauf que dans leur cas, l’exagération devient tout bonnement un mensonge.

05.08.2024
Temps de lecture: 4 min

Sur le site web de l’Union syndicale suisse (USS), on pouvait lire: «Le Parlement a décidé que nous allions tous percevoir des rentes plus faibles de la part de nos caisses de pensions et que nous allions en outre devoir payer des cotisations plus élevées». On peut le tourner et le retourner comme on veut: l’affirmation est fausse. C’est un mensonge.

Pas du tout, s’est justifiée la syndicaliste Gabriela Medici dans une interview accordée à la NZZ: il s’agit d’une «exagération autorisée». Toujours est-il que l’USS a rectifié le tir et expliqué à la NZZ: «La formulation choisie par le webmestre, qui a attiré l’attention de la NZZ, ne correspondait pas au régime linguistique du comité référendaire. C’est pourquoi cette phrase a été reformulée suite à la remarque qui nous a été faite». (Depuis quand les webmestres sont-ils responsables de la formulation des contenus?).

Mentir dans les campagnes de votation n’est pas nouveau. On se souvient de la vidéo explicative sur la réforme de l’AVS diffusée sur Facebook. L’Union syndicale suisse y affirmait qu’en cas de oui à l’AVS21, «la prochaine augmentation est déjà programmée: pour tous». Le président de l’USS et conseiller aux Etats socialiste vaudois Pierre Yves Maillard (et non le webmestre) aurait été à l’origine de cette campagne.

Vol des rentes

Le débat sur le vol des rentes il y a 14 ans n’était pas non plus vraiment basé sur les faits. Le taux de conversion légal aurait dû être abaissé de 6.8 à 6.4%, ce qui aurait entraîné des pertes pour les futurs retraités. Le slogan du vol des rentes suggérait que les rentes en cours seraient également réduites. Et on s’est bien gardé de mentionner que la majorité des assurés n’auraient finalement pas subi de réduction grâce à leurs avoirs surobligatoires. L’objectif a été atteint: le 7 mars 2010, le souverain a rejeté le projet avec plus de 70% de voix négatives.

Le vol des rentes évoqué par les syndicats a effectivement eu lieu des années plus tard, mais pas dans le sens dénoncé: en raison du taux de conversion trop élevé, il y a eu une redistribution des assurés actifs vers les assurés passifs de l’ordre de 7 milliards de francs par an.

Il n’y a pas qu’à gauche que l’on ment: «Perdre le libre choix du médecin? Non», affirmaient les opposants à la votation sur le projet de Managed Care. Cela aussi était un mensonge. Et c’est ainsi qu’il a été rejeté en 2012 avec 76% de non. Si le projet avait été accepté, le libre choix du médecin n’aurait pas été supprimé dans l’assurance obligatoire des soins (AOS). Mais les assurés auraient dû accepter une quote-part maximale de 1000 francs au lieu de 700 francs pour le libre choix du médecin. Abolir, c’est différent.

Projet trop complexe

Mais le projet de Managed Care a également été rejeté en raison de sa complexité. Ce n’est pas de bon augure pour la prochaine votation sur la LPP. Il est possible de construire avec la solution proposée des exemples dans lesquels un groupe d’assurés s’en sortirait moins bien en cas de oui à la LPP. Mais les modèles de calcul correspondants n’ont pas grand-chose à voir avec la réalité. La mesure dans laquelle il faudra accepter à l’avenir des rentes plus basses dépend en grande partie des prestations surobligatoires, qui peuvent fortement varier.

Si les opposants à la votation mettent en garde contre une réduction des rentes, ce terme est également faux au sens strict du terme. Car c’est tout au plus la rente mensuelle qui baisse, mais guère la somme des rentes, qui est en train d’augmenter en raison de l’espérance de vie grandissante. Ce qui nous mène au taux de conversion qui doit être abaissé à 6% lors de la prochaine votation sur la LPP.

Si l’on en croit la majorité bourgeoise du Parlement fédéral, le taux de conversion minimal légal, tout comme le taux d’intérêt minimal, ne devraient pas être déterminés par la politique. En avril 2016, la commission sociale du Conseil national a déposé la motion 16.3350 «Dépolitiser les paramètres techniques de la LPP». Le Conseil national l’a approuvée, tandis que le Conseil des Etats a voté pour une suspension en 2017 et 2019, jusqu’à ce qu’il coule la demande lors de la session de juin 2023.

Le conseiller aux États radical uranais ­Josef Dittli avait alors déclaré: «Selon de nombreux membres de la commission, la demande de base en soi serait certes toujours justifiée, mais elle est irréaliste au vu de la situation actuelle et des décisions qui viennent d’être prises au Parlement». La majorité de la commission a estimé qu’il n’était pas opportun d’alourdir inutilement la discussion sur la réforme avec des exigences plus poussées ou un changement de système. Difficile de ne pas être d’accord avec cela.