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Du Palais fédéral

A propos des fonds de bienfaisance, des inégalités de traitement et de chiffres qui ne veulent rien dire

Ceux qui se remémorent les longs débats sur la révision de la LPP se souviendront des interminables allers-retours des conseillers aux États. A plusieurs reprises, les membres de leur commission ont exigé de nouveaux calculs. Plusieurs boucles supplémentaires ont entraîné un retard. Mais manifestement, tous les calculs possibles n’ont pas encore été effectués, les tableaux publiés et les scénarios dessinés. Pour la conseillère nationale socialiste Samira Marti, nouvellement entrée à la commission sociale, il reste des questions à clarifier.

17.06.2024
Temps de lecture: 5 min

Par l’interpellation 24.3303, elle veut savoir quel part, en pour cent de tous les assurés LPP actifs, touche le supplément de rente maximal de 200 francs prévu pour les cinq premières années de transition, en précisant bien qu’elle veut connaître le pourcentage exact.

Quelle est la valeur ajoutée ?

On se demande quelle peut être la valeur ajoutée de ces informations. Le Conseil fédéral estime lui aussi qu’il n’est pas pertinent d’établir un rapport entre le pourcentage de bénéficiaires de suppléments et le nombre total d’assurés LPP. C’est ce qu’il écrit dans sa prise de position du 15 mai 2024, expliquant que cela ne permet pas de juger de l’impact de ces mesures: «En effet, le supplément n’est destiné qu’à la génération transitoire, qui ne pourra pas constituer suffisamment d’épargne pour compenser la baisse du taux de  conversion jusqu’à la retraite, et non à l’ensemble de tous les assurés actuellement actifs», précise-t-il. La part des assurés qui toucheront le supplément de rente maximal de 200 francs par mois correspond à environ 1.5% des quelque 4.5 millions d’assurés actifs.

Samira Marti – ou la personne qui a formulé l’interpellation – veut en outre savoir ce qui suit : « Quels sont les suppléments de rente dégressifs pour les 15 classes d’âge transitoires ayant un avoir de prévoyance compris entre 220500 et 441000 francs, répartis selon l’échelle suivante (pour chaque tranche de cinq ans): 150–200 francs, 100–150 francs, 50–100 francs, 0–50 francs. Indiquer le pourcentage d’ayants droit par rapport au nombre total d’assurés LPP qui ne sont pas encore à la retraite».

Le texte de l’interpellation est reproduit ici dans son intégralité afin de montrer le travail de fourmi qui est parfois demandé aux collaboratrices de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). On pourrait croire que la LPP est une science exacte. Selon le Conseil fédéral, le supplément de rente réduit pour les avoirs de prévoyance
compris entre 220500 et 441000 francs n’est pas encore connu. Il le fixera par voie d’ordonnance. Néanmoins, les collaboratrices de l’OFAS ont pris la peine d’estimer sur une échelle la part des bénéficiaires
d’un supplément de rente réduit : elle se situe entre 0.4 et 0.75%.

Pas pour les esprits simples

La motion 24.3372 du conseiller aux Etats du centre Erich Ettlin n’est pas non plus pour les esprits simples. Au moins, dans ce cas, le peuple n’aura pas à se prononcer. L’expert fiscal diplômé du demi-canton d’Obwald est d’avis que les institutions de prévoyance de droit public sont traitées de manière inégale par rapport aux caisses de pensions propres à l’entreprise et aux institutions d’associations professionnelles. L’édition d’avril de la Prévoyance Professionnelle Suisse en a fait état.

Il en va de la question de savoir à quel taux les avoirs de vieillesse des assurés actifs peuvent être rémunérés. Les institutions collectives et communes, qui sont en concurrence les unes avec les autres, sont soumises à des limites lors de la fixation de ces taux. Elles pourraient en effet avoir tendance à accorder des prestations plus élevées précisément pour des raisons de concurrence, bien que cela ne se justifie pas sur la base des réserves de fluctuation de valeur.

Les caisses de pensions propres à l’entreprise ou les institutions d’associations professionnelles ne sont en revanche pas en concurrence et peuvent pratiquer des taux plus élevés sur les avoirs de vieillesse de leurs assurés, même si les réserves de fluctuation de valeur ne sont pas entièrement constituées. Elles ne sont pas incitées à rémunérer l’avoir de vieillesse de manière excessive. Mais selon Ettlin, cela vaut également pour les corporations de droit public.

Entre-temps, le Conseil fédéral a pris position sur la motion. Dans sa prise de position du 15 mai 2024, il écrit qu'il faut "déterminer par interprétation" dans quelle mesure la clause d'exception est également applicable aux institutions d'une corporation de droit public. Dans un souci de sécurité juridique, il souhaite préciser l'ordonnance. Il souhaite toutefois pouvoir clarifier de manière approfondie pour quelles institutions de prévoyance de droit public il est nécessaire d'agir. Le Conseil fédéral ne veut cependant pas être lié par la modification de l'ordonnance proposée par l'auteur de la motion. Le Conseil des Etats est d'un autre avis. Il a approuvé la motion le 13 juin 2024 par 35 voix contre zéro et zéro abstention.

Une défaite cuisante

Venons-en maintenant aux fonds de bienfaisance qui, comme chacun sait, souhaitent disposer d'une plus grande marge de manœuvre. Outre leur objectif principal, à savoir fournir des prestations pour couvrir le décès, la vieillesse et l'invalidité, ils poursuivent également un objectif secondaire. Ils peuvent soutenir les personnes qui se retrouvent dans une situation de détresse en raison d'une maladie, d'un accident ou du chômage. Avec son initiative parlementaire 19.456, la conseillère nationale PLR Daniela Schneeberger veut élargir la marge de manœuvre en permettant l'octroi de prestations également pour la prévention de la maladie, de l'accident et du chômage - et pas seulement en cas de situation d'urgence.

Le Conseil fédéral ne veut pas en entendre parler et a l'air bien vieux avec son attitude de refus : 40 conseillers aux Etats se sont rangés derrière Schneeberger, la présidente de Patronfonds. Un seul, le conseiller aux Etats socialiste vaudois et président du syndicat Pierre-Yves Maillard, a voté avec le Conseil fédéral lors de la session d'été en cours - le seul de toute l'Assemblée fédérale. Le Conseil national a approuvé le projet à l'unanimité lors de la session de printemps. Le conseiller national UDC Thomas de Courten avait alors déclaré que la commission ne voyait pas de soupçon généralisé d'optimisation fiscale.

C'est précisément un tel soupçon que semble nourrir le Conseil fédéral, même s'il ne le dit pas explicitement. Il se contente d'écrire que les prestations pour les mesures de formation et de perfectionnement, pour la conciliation de la vie familiale et professionnelle et pour la promotion de la santé devraient être à la charge de l'employeur et non pas via des fondations de bienfaisance. C'est pourquoi de telles dépenses constituent un "remboursement à l'employeur".

Lors du débat au Conseil des Etats, le politicien du centre Ettlin a rétorqué à cet argument que ces fonds de bienfaisance étaient alimentés uniquement par les employeurs. "Par définition, l'argent ne retourne jamais à l'employeur, mais est utilisé conformément à son but".